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Mai 2024

Doula tant qu'il le faudra

Être doula, c’est militer pour une naissance respectée. C’est donner beaucoup de temps, d’énergie et d’argent pour défendre le droit des femmes à avoir un contrôle sur leur propre expérience de la maternité, à être traitées avec dignité et à être pleinement soutenues dans leurs choix de naissance. Doula est un métier de passion et de conviction.

Comme un acte révolutionnaire.

Les doulas jouent un rôle crucial aupres des femmes et des familles en leur offrant un soutien émotionnel, physique et informatif, avant, pendant et après l’accouchement.

En tant que doula, nous avons souvent été critiquées par différents groupes et particulièrement par certaines sages-femmes, voyant dans le développement de nos activités une menace pour leur pratique. Mais la doula ne marchera jamais sur les plates-bandes de la sage-femme. Une doula n’est pas une sage-femme, ce n’est pas une thérapeute ni un médecin, comme le rappelle la charte éthique des doulas de France : « Les doulas n’ont aucune compétence pour dispenser une consultation, donner un avis médical, établir un diagnostic ou une prescription, pratiquer un examen ou un accouchement. »

Nous soutenons les sages-femmes et leur engagement auprès des familles. Ce ne sont pas les doulas qui mettent en péril le travail précieux des sages-femmes, mais le gouvernement qui les méprise et les surcharge. Ce sont les manques de moyens et d’effectifs qui mettent en danger le métier de sage-femme.

 

Le 11 novembre 2020, Anna Roy (sage-femme), lançait un appel pour adopter le modèle anglo-saxon « one to one », « une femme = une sage-femme ». Le hashtag #jesuimaltraitante avait été lancé en même temps, afin de dénoncer les maltraitances qui découlent des insuffisances du système de santé. L’ANESF (association nationale des étudiantes sage-femme) révèle dans une note que le manque d’effectif et de moyen conduit à une augmentation du burn-out pour les professionnelles de santé ainsi qu’à une « maltraitance institutionnelle, voire des violences obstétricales faute de temps pour accompagner les familles. » C’est exactement ce qu’Anna Roy déplorait lors de son appel à mobilisation, « le système est maltraitant donc je suis maltraitante ».

Presque 4 ans plus tard, rien n’a changé ou presque et seule une partie privilégiée de la société peut prendre le temps de s’informer sur la naissance, sur les différentes possibilités, celles qui offriront un cadre plus respectueux à leur naissance. Seul un petit nombre de femmes pourront accoucher en maison de naissance faute de place et de structures. 

Il est temps de ré-humaniser la naissance, de donner la possibilité à chacune d’accoucher dans les conditions qu’elle souhaite, en connaissance des choix qui s’offrent à elles. Toutes les femmes méritent un accouchement respecté.

Dans son livre « Les Besoins Essentiels de la Femme qui Accouche », Ruth Ehrhardt rappelle 7 points nécessaires au bon déroulement d’un accouchement : se sentir en sécurité, laisser son néocortex en pause, le besoin de silence, de pénombre, de chaleur, de ne pas se sentir observée, et enfin éviter toute situation qui pourrait déclencher une sécrétion d’adrénaline. Pas besoin d'avoir déjà accouché en structure hospitalière pour comprendre que ces besoins ne sont, dans la plupart des cas, pas respectés. Car pour cocher tous ces points, il faut du temps, de l’espace, une présence intime et sécuritaire. Trois éléments en pénurie à l’hôpital.

 

En France, les mouvements féministes ont lutté pour le droit des femmes à disposer de leur corps dans une dynamique d’émancipation vis-à-vis des injonctions sociales qui les assignaient à la maternité. Les féministes se sont battus, à juste titre, pour l’accès à la contraception, pour le droit à l’avortement, pour la liberté de ne pas avoir d’enfant... Derrière ces grands combats qui continuent encore aujourd’hui, la question de l’accouchement a été éclipsée, alors même qu’il concerne directement le corps des femmes. Dans cette perspective, l’accouchement, et plus largement la parentalité, doit être considéré comme un sujet féministe car il soulève des questions importantes sur l'autonomie corporelle, le consentement éclairé, le respect des choix des femmes, l'accès équitable aux soins de santé et la reconnaissance du travail reproductif des femmes…

 

Beaucoup de femmes se forment au métier de doula pour défendre une nouvelle vision de la naissance. Cette armée de mères (ce qui est le cas pour une grande partie des doulas, bien que ce ne soit absolument pas un pré-requis à la profession) avance à petits pas vers un nouveau paradigme de la naissance. Peu de doulas vivent de leur activité et nombreuses sont celles qui appartiennent à une catégorie précaire d’auto-entrepreneurs. 

D'autre part, seule une branche très minoritaire de personnes privilégiées peut s'offrir les services d'une doula. Cet aspect est souvent vécu comme paradoxal et douloureux pour les doulas qui se sont engagées dans cette voie pour le droit à l'accouchement respecté pour toutes. Il serait nécessaire de réfléchir à de nouveaux espaces pour permettre à toutes les femmes de bénéficier d'un accompagnement humain et personnalisé, bienveillant et sécuritaire. Nous, en tant que doulas, devons nous auto-organiser pour permettre cela sans attendre que cela vienne d'en haut. Car le jour où les politiques publiques accorderont de l'importance à la façon dont les enfants naissent, et de la même manière à la façon dont les gens meurent, ce jour où les sages-femmes pourront prendre le temps d'accompagner chaque femme dans son parcours, alors peut-être que nous n'aurons plus besoin d'être doulas.

 

Mais en attendant, nous serons là, doulas, tant qu'il le faudra.

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